La vraie devise des Canuts est "Vivre libre ou mourir" élaborée en 1789, date ou le principe de Liberté resurgit comme principal leitmotiv qui se traduira constitutionnellement ainsi que dans la déclaration de 1789.
Mais on ne remet pas en cause 2000 ans de domination économique (sur 8000 ans de coopération).
On retrouve ainsi, dès 1841, chez les Canuts et leur devise, cette soumission à un ordre social rigide et préetabli, ne prenant pas en compte l'individu qui se sert alors de la retranscription en deux ordres sociaux : les gens d'arme et le tiers-Etat soit pauvres et travailleurs et nobles combattant se sacrifiant ensemble afin de faire fonctionner la perpétuation du Royaume de France. Ainsi dans la devise "Vivre en travaillant ou mourir en combattant" est-on confronté à nouveau au choix drastique qui se pose à tout français de sexe masculin en 1914 : travailler ou aller sur le front, d'ailleurs il n'avait souvent pas le choix, après que la fonction de se battre pour défendre son pays se soit déplacée d'un ordre : la noblesse à un autre.
Cette dernière ayant perdu sa vocation après 1789, s'étant mal relevée de l'affront subi, laissant la place à d'autres gens, d'autres privilégiés sous l'empire et la restauration, a tout donné aux pauvres poilus...Serait-ce une manière détournée de se venger des sans-culottes ?
Le sens du sacrifice et de l'obéissance à des dieux tutélaires n'est en effet pas encore sorti de l'inconscient collectif français, on ne se remet pas comme cela de 2000 ans de domination économique sous l'égide de l'Eglise, ni de près de 600 ans de colonisation romaine.
Cela, Karl Marx ne l'avait pas encore perçu peut être. Aussi doit on en revenir aux bases même de l'Internationale. Il faut partir de la liberté de l'individu tout seul...
De là à dire que les Canuts était une révolte conservatrice...
Revue Hérodote .net.
22 novembre 1831
La révolte des canuts de Lyon
Par Fabienne Manière.
Le 22 novembre 1831 éclate sur la colline de la Croix-Rousse, au nord
de Lyon, la révolte des canuts. La révolte se propage dans tous les
quartiers ouvriers de la métropole. Les insurgés prennent pour emblème
le drapeau noir et la devise :
« Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».
Fabienne Manière
Victimes du progrès technique
On est au début de la Révolution industrielle... Le mot
paupérisme,
importé d'Angleterre en France en 1822, exprime le sentiment général
que l'enrichissement de la bourgeoisie se paye de l'appauvrissement de
la classe ouvrière.
À Lyon, les
canuts, dont le nom vient du mot
canette, ou
bobine, sont des artisans qui tissent la soie à domicile sur leur propre métier à bras. Ils travaillent pour le compte des
soyeux
(les patrons négociants) qui leur fournissent la matière première et
récupèrent le produit fini. Ils sont environ 6000 artisans et emploient
30.000 compagnons.
Le revenu des uns et des autres, 18 sous environ pour quinze heures
de travail par jour, ne permet qu'une vie de misère. Du fait de métiers à
tisser beaucoup plus productifs qu'auparavant, comme le
métier Jacquard, et en dépit d'une demande soutenue, ce revenu est deux fois moindre que sous le Premier Empire !
Les canuts font appel au préfet du département, Louis
Bouvier-Dumolart, et obtiennent qu'une commission paritaire fixe un
tarif minimum. Le préfet fait ensuite afficher dans la ville la
déclaration suivante :
« Si par exception quelques ouvriers honnêtes
ont encore des griefs à faire redresser, les voies légitimes leur sont
ouvertes, et ils sont assurés d'y trouver une bienveillante justice ». Mais en recevant les délégués ouvriers, il a enfreint la
loi Le Chapelier (1791) qui interdit les associations ouvrières et cela lui vaut d'être désavoué par Paris.
Patrons réfractaires aux concessions
Plus gravement, certains soyeux refusent d'appliquer le tarif minimum
en prétextant comme de coutume de la concurrence internationale et des
contraintes du marché. Les canuts, en colère, se mettent en grève. Le 19
novembre 1831, au cœur de la Croix-Rousse, ils font face à la garde
nationale. Des coups de feu claquent. La révolte gronde.
Deux jours plus tard, les canuts descendent de leur colline, drapeau
noir en tête, et occupent le centre de Lyon après quelques combats avec
les forces de l'ordre. On compte une centaine de morts. Maîtres de la
deuxième ville de France mais ne sachant que faire de leur victoire, les
canuts et la garde nationale, qui s'est finalement ralliée à eux,
constituent un comité insurrectionnel pour se donner le temps de
réfléchir. Ils s'abstiennent soigneusement de tout pillage.
Voilà le roi Louis-Philippe 1er confronté à sa première révolte
sociale à peine plus d'un an après son accession au pouvoir. Le
Président du Conseil Casimir Perier, par-dessus tout soucieux d'ordre,
envoie 20.000 soldats sous les ordres du maréchal Soult aux portes de
Lyon. Ils attendent patiemment que les insurgés se lassent.
Enfin, le 5 décembre 1831, les troupes peuvent entrer dans la ville
sans effusion de sang. La garde nationale est désarmée et dissoute, le
tarif minimum abrogé et le préfet, jugé trop conciliant, révoqué. Une
dizaine de canuts seulement sont traduits en justice... et bientôt
acquittés.
Frayeur dans les salons
Casimir Perier déclare à la Chambre des députés :
« Il faut que les ouvriers sachent qu'il n'y a de remède pour eux que la patience et la résignation ».
Il n'aura guère le temps de savourer son succès. Épuisé par le travail,
il contracte le choléra lors d'une visite auprès des malades à
l'Hôtel-Dieu de Paris et meurt le 16 mai 1832.
Dans le
Journal des débats, le 8 décembre 1831, Saint Marc
Girardin, conseiller d'État, exprime la frayeur des classes possédantes
face à la révolte des canuts, si nouvelle dans son principe :
« La
sédition de Lyon de 1831 a révélé un grave secret, celui de la lutte
intestine qui a lieu dans la société entre la classe qui possède et
celle qui ne possède pas.. Notre société commerciale et industrielle a
sa plaie comme toutes les autres sociétés ; cette plaie, ce sont les
ouvriers. Point de fabrique sans ouvriers, et avec une population
d'ouvriers toujours croissante et toujours nécessiteuse, point de repos
pour la société [...].
Les barbares qui menacent la Société ne sont point au Caucase ; ils sont dans les faubourgs de nos villes manufacturières ».
À nouveau les canuts lyonnais se soulèvent en 1834, après que des
meneurs ont été traduits en justice pour avoir dénoncé des baisses de
salaires et fait grève. Cette fois, ils trouvent en face d'eux le
ministre de l'Intérieur
Adolphe Thiers,
beaucoup moins accommodant que Casimir Perier. Il laisse les
manifestants ériger des barricades puis fait donner la troupe. Celle-ci
va méthodiquement reconquérir la ville.
On compte environ 600 morts et 10.000 arrestations au cours de la
« Sanglante semaine »
du 9 au 15 avril 1834. La répression rassure les possédants sur la
détermination du gouvernement à les protéger contre les barbares des
faubourgs. C'est un prélude à la
« Semaine sanglante » de 1871 par laquelle le même Thiers mettra un terme à la
Commune de Paris.