lundi 29 août 2016

Une réflexion de Jérome Maucourant autour du livre de Isabelle Hillenkamp et Jean-Louis Laville sur Karl Polanyi à l'aune de mon livre "revenu inconditionnel d'existence , budget et fiscalité".

Une réflexion de Jérome Maucourant autour du livre de Isabelle Hillenkamp et Jean-Louis Laville sur Karl Polanyi à l'aune de mon livre "revenu inconditionnel d'existence , budget et fiscalité".
Par Noura Mebtouche.
Effectivement, Karl Polanyi nous surprend toujours avec les concepts développés dans la Grande Transformation. Un livre un peu en décalage avec son époque où on commence à peine avec des gens comme Herbert Marcuse à opérer un arrêt sur image et à une prise de conscience des méfaits de la massification du système (production comme consommation comprises). D'autres regards sur le capitalisme avaient été jetés, des mises en garde et même des solutions possibles s'annonçant déjà comme une troisième voie. Le livre de Karl Polanyi est tombé à point nommé, au moment même où il fallait qu'il tombe comme une synthèse entre tous les économistes de la Lumière. Celle du réel. Cela commence par Aristote premier à formaliser une économie fondée sur l'humain, une économie réencastrée dans nos corps, et peut-être bien avant.
Ainsi, comme nous l'explique Jérome Maucourant, dans son explication du livre de Isabelle Hillenkamp et Jean-Louis Laville (Erès 2013) Karl Polanyi mêle étroitement l'économique et le politique, comme pour annoncer aux individus de ce monde présent que le changement, à savoir la fin du capitalisme en tant que producteur de rentes de monopole anticoncurrentielles au sens propre du terme ne dépend que d'eux. 
Là où les forces d'un pseudo- libéralisme économique (dans le sens où nous l'entendons, à savoir que le vrai libéralisme se définit comme le contraire du capitalisme, le premier étant producteur de rente de Capital qui ne produisent pas de dysfonctionnement socio-économique, le second de rentes que nous appelons "rentes de monopoles" (voir nos travaux dans l'ouvrage "La nouvelle richesse des Nations") qui constituent un travers du fonctionnement du marché censé être librement régulé, sans entrave) sont présentées partout à l'appui des mécanisme de conditionnement de l'individu déjà dénoncées par Herbert Marcuse entre autres, comme salvatrices, génératrices de progrès, de bien être, de confort, appelant à la fiction d'un marché du travail sain et fonctionnant bien, ou plutôt l'utopie présentée aux concitoyens d'un retour imminent à une croissance forte avec plein emploi. 
On  oppose à cette notion l'idée d'une réappropriation citoyenne de la production de biens et de services et par là même du marché, si élargie soit cette notion.
 Cette dernière échappant à l'Etat et au "petit marché", celui du grand capitalisme. Il et en effet grand temps que les citoyens prennent le pas sur une bureaucratie au service du grand Capital, et à notre avis, cette ronde infernale consistant à réajuster sans cesse des données qui ne reflètent pas l'économie réelle pour maintenir un système économique et social devenu désuet est le signe d'un des derniers soubresauts cocasse s'il en est, de ce système.
Première partie du livre : Critique pluridisciplinaire du capitalisme. Donc forcément bien inspirée de Karl Polanyi qui remet l'économie sur un juste plan : celui du social et de l'humain. Comme nous l'explique Jérome Maucourant, se développe aujourd'hui un courant tout neuf, celui de la socioéconomie. 
Or, celle-ci serait confinée encore au rôle de donner "un supplément d'âme à l'économie néoclassique et à ses avatars". Ce qui est dommage. Or, on propose justement ici, de faire régner le social et l'humain en faisant de la sphère économique, son serviteur. Non pas que l'économique, celui qui nourrit les ventres puisse être réduit à une valeur bassement matérielle, c'est au contraire bien ancré dans le social avec les interactions et l'harmonie que cela suppose, ce qui est le contraire aujourd'hui, que ce dernier peut prendre toute son ampleur. 
Ce n'est donc que par le politique au sens d'investissement de chacun dans la gestion de la Cité que l'économique peut fonctionner sans corrompre le fonctionnement naturel et régulier de la société. On en revient ici implicitement à Aristote, et pourquoi pas, à Jean-Jacques Rousseau. Et il s'agit bien comme nous le présente Jérome Maucourant d'une "fabrique de la société" dans le sens où cette dernière n'est jamais figée dans son ensemble, toujours en mouvement ce qui n'est pas le cas dans nos démocraties marquées par le faux libéralisme avec tout ce que cela comporte de sens au niveau de la notion de mot "Liberté". 
Deux conditions sont posées ici par Jérome Maucourant : 
-Que l'ambition politique soit la vision non utopiste et tout à fait rationnelle de Aristote d'un "animal politique" trouvant la pleine et entière jouissance des facultés propres à son espèce  dans la capacité à penser et à organiser rationnellement  le social et le politique afin qu'ils puissent jouer son rôle à plein sans entrave afin de faire émerger comme nous le dit l'auteur une "légitimation intellectuelle nécessaire pour contester l'économie de marché".
-Que l'on soit capable justement de définir clairement ce que l'auteur appelle la "mentalité de marché". Cela suppose de avoir ce que l'on entend par marché. S'agit il du marché tel que le conçoivent aujourd'hui les néocapitalistes ou cette notion reste elle à définir au sens propre du terme.
En d'autres termes, connaissons vraiment le marché, et sommes nous capables de l'identifier et de le rendre à son plein et entier fonctionnement ? Nous pensons que le marché reste effectivement à définir, et qu'il n'en est qu'à sa préhistoire. 
C'est pour cela que, contrairement aux libéraux d'aujourd'hui, nous opposons à la notion qu'ils défendent de grand marché capitaliste celle du grand marché libre et réel tel que Léon Walras en avait déjà l'intuition avec son système de concurrence pure et parfaite. 
C'est celui-ci que nous voulons défendre contre les tenants d'un petit marché étriqué par la concurrence oligopolistique grâce justement à la validation théorique et scientifique des chercheurs en économie qui développent actuellement ce nouveau paradigme. 
Ainsi, la vraie mentalité de marché serait vivante, chatoyante, source de vie à l'opposé de ce pâle fantôme qu'est notre système actuel. Finalement, l'avénement de ce nouveau paradigme, à l'appui d'une légitimation intellectuelle obtenue à force de persévérance et d'infiltration du "Vrai" dans le "Faux" (de quoi donner à Platon le droit d'affirmer que la sortie de la grotte est proche) rend possible, et c'est là qu'est le merveilleux, disons plutôt le réenchantement pour contredire Nietzsche et Marcel Gauchet, car ce la suppose que le "Grand soir" attendu par tous les tenants du marxisme et de ses dérivés est possible sans les camps sibériens.
Mais, et c'est ce que nous explique Jérome Maucourant, l'avancée de ce changement de paradigme souffre d'un handicap majeur qui tient à la source même du décalage entre économie réelle et économie de marché : cette fragmentation entre macroéconomie et microéconomie : entre notre système économique tel qu'il est vu par les chefs d'Etats et le fonctionnement au jour le jour, en local, dans la réalité, à petite échelle de la production et des échanges. Ceux qui cherchent à analyser ces pratiques locales sont encore trop, comme il le dit considérés comme des "nouveaux sociologues économiques" tandis que les autres et de citer l'école de la régulation sont encore trop aveuglés dans leur recherche par des décennies de vision macroéconomique du système, dans une perspective d'économistes politiques. Comment concilier les deux ?
C'est ici un problème crucial qui s'amorce, historique même, car il s'agit de définir la nouvelle grande orientation que va prendre la science économique dans les années à venir.
 Nous irons jusqu'à dire même qu'il s'agit peut-être, dans la perspective où ce dernier réconcilie enfin l'économique et le politique, le citoyen et la Cité, qu'il s'agit peut être du plus grand tournant théorique de tous les temps. 
Dans le même temps et comme pour confirmer ce que nous venons de dire, il s'amorce comme une réponse concrète et scientifique avec validation des hypothèses par l'expériences tel que nous l'ont appris nos pères positivistes grâce à l'invention de la "recherche-action" concept tout à fait nouveau mis en pratique par le triangle UMR et dont nous espérons qu'il va en profiter pour réconcilier (enfin) les acteurs-chercheurs de terrain autodidactes et ceux que l'université valide, pour le plus grand bien de la science. Ainsi, le chercheur devient implicitement acteur tandis que l'acteur de terrain finit par lui aussi établir des typologies, des thèses, et présente ces dernières devant des assemblées entières de chercheurs. 
C'est en effet une heureuse tournure que prend une science qui se veut ouverte par ce qu'elle concerne chacun de nous directement et dont on a que trop vu les effets pernicieux de l'enfermement intellectuel ces dernières années de laisser-aller citoyen. C'est le grand règne de l'anthropologie moderne et on considérera avec bonheur que c'est cette dernière qui a gagné sur les grands schémas des méthodes issues de la sociologie explicative.
Enfin, en dehors de ces considérations de méthodologie, il s'agit aussi d'évoquer la place des recherches actuelles dans l'historicité malgré le peu de recul que nous pouvons avoir à ce jour : et nous ne pensons pas avoir tort, être de doux rêveurs ou des utopistes, ni encore des enfants capricieux en pensant que cette vague là, à l'appui rappelons le encore des erreurs de notre siècle, en affirmant que aujourd'hui même, la science et la pratique se réconcilient pour donner raison à tous les économiques, chercheurs, savants qui ont lutté, pensé, réfléchi, écrit en faveur de l'avénement de l'ère chrétienne.
 A savoir la mise en action du règne de l'homme sur la structure, certains diront la superstructure, d'autres l'Etat dans le sens d'un Etat situé "en dehors des individus" ce qui n'est pas son vrai sens, ce dernier, chose malléable à souhait appartient à tout le monde, c'est "la chose publique", autrement dit "la République". 
Enfin, d'autres parleront du capitalisme et du marché oligopolistique, et à chacun d'entre eux les nouvelles orientations encore toute petites mais appelées à se ramifier de la science économique sont appelées à répondre. Certains répondront que ce ne sont pas les scientifiques qui commandent, objection à laquelle nous pourrions rétorquer que ces derniers sont aujourd'hui des hommes de terrain et d'action, de vrais politiques, quoi. 
Ou du moins les cotoyent-ils de très près dans leurs recherches. Nous faisons ainsi ici allusion à la proximité avec laquelle les chercheurs économistes sur les monnaies complémentaires étendent font des acteurs de terrain en local de toute une région voire plusieurs leur terrain d'investigation principal dans le cadre du programme de recherche "ARC" mené par l'UMR pour ne citer que ce dernier.
Enfin, le fameux déplacement de la science économique qui s'effectue aujourd'hui entre production et échange et Capital est bien en oeuvre à travers les recherches menées sur les nouvelles économies alternatives, celles de l'économie réelle (nous citerons ainsi les SEL, le troc, le gratuit, les initiatives émanant des associations). 

Mais le projet reste malgré tout peu ambitieux. "Il s' agit de savoir si ces "initiatives d'économie populaire " impliquent nécessairement à terme une subversion du système de marché. "L'important au XXI ème siècle, est de rendre possible au sein du capitalisme, s'inspirant du système des réformes révolutionnaires à la André Gorz des "ilôts révolutionnaires" , des îles de coopération dans la solidarité et l'égalité dont le caractère réticulaire pourrait poser la question d'une alternative plus globale" pour citer Jérome Maucourant.
C'est en effet cette question  là qui est au centre des préocccupations.
 On a envie de dire : et la globalité du marché ? Et de poser la reconnaissance dans le but de faciliter l'action pleine et entière d'un grand marché élargi,  lequel ne serait pas circonscrit à l'échange uniquement monétaire, aux production uniquement marchandes. 
Ces dernières tout comme "le grand marché" existent déjà. Il ne reste plus qu'à les rendre effectives, à mettre leur activité au grand jour ce qui suppose un travail de fond sur les Valeurs qui sous tendent les modes de vie.Et nos auteurs d'aller encore plus loin dans la réflexion en évoquant pour reprendre notre idée des valeurs, la nécessaire intégration du tissu culturel dans les alternatives de production. Une gageure et même bien davantage pour notre siècle "spirituel" que d'éliminer en même temps que le monde économique change, toute tentative de domination mais également de possession des uns sur les autres grâce aux structures sociales. 
 Citons : "hiérarchies coutumières, rapports de sexe oppressifs, séparation stricte entre gestionnaires et producteurs". Au centre : l'économie comme le cadre souple et en mouvement perpétuel sur lequel évolue cette société avancée. C'est un terme proprement polanyien, qui fait référence à la théorie du réencastrement*.  Derrière  lui se profile l'idée d'une future société plus libre, plus vaste, plus tolérante, au sein de laquelle des individus évolueraient libres, égaux en droit, non soumis à la dictature d'un marché tout puissant et de tout cet appareil bien structuré qui jusqu' ici l'a dominé.
Ainsi, comme le disent les auteurs, les dérives du localisme ou encore pour faire référence à notre passé gaulois du règne de la tribu enfermée sur elle même ne concevant ses rapports avec les autres que dans le conflit est remplacé par une "intégration du local au global"
En d'autres termes, les points positifs de la Tribu avec les bienfaits de note évolution historique, n'oublions pas que nous sommes dans une République une et indivisible, ni que nous avons encore besoin de la structure de l'Etat même si la nature de cette dernière est, dans un contexte de libération économique des citoyens, devenue "Notre chose", n'est ce pas là sa vocation première?
Enfin, comme nous l' explique J.Maucourant, il s'agit de ne pas circonscrire ces échanges, et donc l'économie, à la sphère financière, encore faut-il mettre cette dernière dans un contexte plus global qui inclut d'autres formes d'échange.
De là à faire porter l'essentiel de la réflexion économique sur les pratiques individuelles voire sur une analyse psychologique des agents. 
C'est ce que propose Margie Mendell. C'est une façon de remettre l'individualimse méthodologique au goût du jour et de tenir compte de la psychologie des individus pour mieux éclairer le choix ou les choix rationnels de l'homo economicus, en tenant compte de leur part d'irrationalité, chose que Keynes est le premier à inaugurer. A ce propos, il convient de tenir compte du texte suivant publié par Denis Collin à propos d'une analyse récente de Marx par John Elste. "John Elster et l'interprétation analytique de Marx".
Ainsi peut-on, en suivant la logique du nouveau paradigme économique consistant à éclairer l'économie sous un jour nouveau, celui de la production et de l'échange en milieu local marqué davantage par la solidarité que par le marché pour tenter de le replacer dans un contexte global. L'ambition est grande, puisqu'il s'agit de faire des "anticipations réelles des agents tenant compte de leur contexte réel incluant la part du psychologique incluse dans l'analyse du relationnel, une analyse macroéconomique".
 Comme nous le dit Jérome Maucourant dans son analyse : "la recherche actuelle montre la montée décisive à l' intérieur du capitalisme d'expériences nombreuses contredisant sa logique même". Il y aurait démocratisation de l'économie qui serait source d'innovation. Ne peut on pas renouer avec la logique même de la dynamique économique propre aux théoriciens de l'analyse néoclassique qui se portent principalement sur l'entreprise en évoquant ici la théorie de Joseph Aloys Schumpeter des grappes d'innovation ? Cette solution aurait le mérite d'éclairer la croissance sous un jour nouveau non pas capitaliste mais si on le replace dans le contexte d'une époque, mû par un processus d'évolution naturel tendant vers le règne de l'individu et non plus par la machine. 
Encore dit-on l'individu dans son entière nature, et non plus seulement du ménage , pur artefact qui consomme des biens et services marchands tels que le décrit la comptabilité nationale qui calcule notre PIB. Voilà une façon intéressant d'opérer la transition nécessaire et naturelle de notre cycle économique actuel sans rupture, sans fracture traumatisante. De quoi réjouir tous nos économistes. Principalement sur la question de la croissance
Il y a donc bien croissance mais une croissance nouvelle, plus qualitative.
Par ailleurs, pour parler d'individu et cela est très bien intégré dans les cercles de la recherche économique actuelle, on peut aussi de cette manière compléter les théories des économistes du Bien-Etre.
Cela permet enfin, pour répondre à la question de Jérome Maucourant, à propos de Karl Polanyi, de réconcilier marché et Etat. Dans ce cadre, comme nous l'avons montré dans notre ouvrage "RIE, budget et fiscalité", la question du Revenu inconditionnel d'existence se pose comme le chaînon manquant être l'Etat, le marché et les individus. Il comble ainsi une fracture béante.
Par ailleurs, la mesure RIE  répond également de façon enfin concrète et motivée sur la question pédagogique. 
José Luis Corragio (1) nous éclaire, avec une culture différente, sur la capacité de l'ESS à constituer un nouveau point de départ pour une analyse globalisante de l'économie en évoquant Mauss et sa "république des coopératives" (2) comme support de réflexion décrivant comment un tel système , en tant qu'alternative au capitalisme, peut se mettre en place de manière durable, et constituer le fondement d'une nouvelle forme de politique économique. 
Ainsi, comme l'explique Maucourant dans son texte, et comme nous le constatons tous aujourd'hui au sein des réseaux d'expérience d'économie locale, principalement les réseaux français et internationaux de monnaies complémentaires (notamment le réseau national de monnaies complémentaires français formé d'acteurs locaux mais très fréquenté par les chercheurs), il y a possibilité de reprendre notre économie en main de manière tout à fait citoyenne afin qu'un jour les deux paradigmes se rejoignent enfin pour qu'une économie réelle se mette en place. 
C'est ce qui a été testé à Cuba et dans les pays socialistes, de manière maladroite, puis, de manière un peu virulente, au Vénézuela, avec un certain succès, il faut bien le reconnaitre et enfin, par les collectifs et réseaux citoyens nombreux, de par le monde, notamment en Amérique du Sud. Ces dernières initiatives fondées dans l'urgence, leur principale motivation étant de lutter d'abord contre la pauvreté, ne paraissent encore que des gouttes d'eau dans l'océan mais elles commencent à prendre progressivement la place qui leur revient tant, dans l'extrême misère qui touche aujourd'hui les pays développés, le capitalisme trouve de moins en moins sa justification. 
Jusqu'ici, il a été difficile aux auteurs de la science économique de se démarquer franchement du système capitaliste puisque entièrement impliqués dedans. Ainsi, Marx se construit à la fois par et contre le capitalisme mais il ne peut s'en dissocier; En décrivant les systèmes économiques de l'Antiquité, à une époque où le grand marché et ses bulles financières et ses économies d'échelle n'était pas encore développé Karl Polanyi nous rend à notre nature même qui fait de nous de êtres économiques bien davantage que des homo- économicus rationnels. Chose que, nous le rappelons, John Maynard Keynes avait déjà deviné même si ces conclusions sont encore trop perdues dans l'acceptation sans condition et sans remise en cause du postulat d'un marché tout puissant. Ainsi, a t'il parfaitement montré à quel point la rationalité parfaite pouvait être freinée par l'émergence de comportements irrationnels, l'homo économicus étant souvent partagé entre la perspective d'un bénéfice lointain et celle de la satisfaction immédiate , la chose venant rompre avec l'idée de l'atteinte possible et future d'un équilibre parfait en suivant ce paradigme là. L'autre, celui qui part de l'individu un et multiple et non pas de l'entreprise est certainement bien plus efficient à défaut d'être rentable.
D'où le titre donné par Hillenkamp et Laville à leur "onze thèses pour promouvoir un autre système économique, rationnel depuis la perspective de la reproduction de la vie". Ainsi y aurait des éléments en commun entre la société de marché et celle de non marché, la vie et la reconnaissance d'autrui étant cette fois ci le principal critère : l'appropriation commune des biens publics, le travail, la terre, la monnaie sont des notions qui ont toujours , même à l'apogée du capitalisme coexisté sous deux formes, une forme dite primitive et une forme évoluée. Reste à inverser les termes et faire des formes primitives des formes évoluées en laissant les autres disparaitre comme d'anciennes grappes d'innovation devenues désuètes, non sans en avoir gardé les principaux enseignements et techniques puisqu'elles correspondent à une période de l'évolution de l'humanité que nous ne saurions renier.
Ainsi, il y aurait bien ici une linéarité, une complémentarité nécessaire, une logique d'ensemble entre les deux systèmes et non pas une rupture historique comme certains l'ont cru en 1917 pour ne citer que cet exemple et si Polanyi ne l'a pas vu, c'est qu'à l'époque de la Grande Transformation il était encore trop immergé dans son époque, trop dépourvu de recul sur les choses pour le voir…
Ainsi, la formidable évolution d'un progrès technique maîtrisé et raisonné permet de pourvoir aux besoins nécessaires à notre évolution sans exclure pour autant l'activité, utilisons ce terme plutôt que le terme de "Travail" à moins que ce dernier ne soit rémunéré de manière éthique. C'est ce que permet par exemple le revenu inconditionnel d'existence sur le marché de travail en matière de prix du travail (salaires). En rendant l'offre de travail moins importante , il le rend rare et donc plus cher. C'est le mythe du balayeur de rue payé grassement pour la pénibilité de son travail qui est ici enfin réalisé. C'est une des conséquences de la mise en place du RIE que j'ai voulu montrer dans "revenu inconditionnel d'existence, budget et fiscalité".
Contrairement à ce que j'explique, la logique du RIE échappe complètement à la dimension de politique autoritaire puisque elle se fonde sur un respect intangible et sans faille du principe d'égalité alors que les autres politiques redistributives menées jusqu'ici, avaient pour principe l'attribution autoritaire de critères censés ouvrir les droits à une allocation ou à un revenu. 
Dès lors qu'une politique d'envergure nationale se met en place sans discrimination aucune , sans arbitraire (pourquoi pas votée par referendum, une ouverture vers la démocratie populaire, il s'agit bien, après tout, d'une réforme  relatives à la politique économique, sociale ou environnementale (article 11, constitution de 1958)), pourquoi ne pas envisager que celle ci puisse rejoindre dans une parfaite harmonie les réseaux citoyens d'économie solidaire que Karl Polanyi appelle les "réseaux de réciprocité", formes antiques, primitives mais éternelles d'entraide sociale, de coopération et de mutualisation qui se jouent au niveau local et font ce que l'on appelle des sociétés évoluées, loin de la loi de la jungle. 
Nous sommes entièrement d'accord avec Jean Michel Servet (3), lorsqu'il évoque à la fois la complémentarité nécessaire entre réseaux de réciprocité, échanges marchands et redistribution, à elles trois, ces formes d'échange constituent bel et bien le nouveau paradigme qui permet d'échapper à la domination et à l'exploitation et aide à la grande réconciliation, voire, à la fusion nécessaire entre l'Homme et l'Etat.
A condition, que ces trois dimensions s'autorégulent lorsque le cas est nécessaire. Par exemple, en empêchant la formation d'une concurrence de type monopolistique ou oligopolistique, ou encore en obligeant la structure d'Etat à intervenir lorsque cela est nécessaire. Notre civilisation étant à mon avis encore trop jeune pour que l'on puisse encore se passer totalement de ce dernier.
Trop jeune ? Je veux dire que dans l'évolution du droit, nous sommes encore dans une phase où ce dernier n'a pas encore suffisamment marqué les esprits pour que l'éducation à la Paix (je me réfère ici à Maria Montessori, notamment à son livre l'Education à la Paix) ne porte encore ses fruits en termes d'autorégulation d'une société, même si nous sommes dans la bonne voie maintenant que nous avons compris que le choses sont faites pour se transformer et mûrir avec lenteur , c'est le cas de notre société,  sans rupture ni destruction.
Il y a là des enjeux terribles, parmi lesquels celui, fondamental, du degré de liberté à obtenir dans un contexte où plus que jamais, la nécessaire réciprocité entraine une interdépendance entre les parties, c'est à dire dans un contexte d'économie réelle, les êtres humains. Dans ce cadre là, on risque, en plus du problème classique de la rareté, de se poser la question dans un contexte d'économie de l'abondance possible sur le plan des ressources mais moins plausible, si l'on se fonde sur le critère d'égalité pour tous, de l'arbitraire. Qui va en effet décider de l'allocation des ressources et du partage des richesses ? Comment chaque individu, dans un contexte où la réciprocité (et nous y englobons aussi bien l'échange équitable marchand que le troc), dépend du bon vouloir de chacun. Et celui qui ne plait pas aux autres, et celui qui est autiste ou n'a pas envie d'aller vers l'autre ?
C'est un peu ce que Jean Michel Servet sous-entend, lorsqu'il évoque sa théorie. Cela dit, nous sommes d'accord avec l'auteur pour distinguer le don (même celui de la Nature) mis à jour par Mauss et la réciprocité en matière de typologie, même s'il va falloir être particulièrement aigus dans notre façon de penser cette différence et reconnaître que le don en soi, même si c'est une forme peu prise en compte jusque là, est lui aussi une forme de réciprocité (lorsque la nature offre gratuitement ses ressources, nous avons envie de la protéger, c'est un processus naturel. On rend toujours ce que l'on doit). 
Justement en matière de nature, on en revient, en suivant le fil de la pensée de Jérome Maucourant à la notion de marché. Certains comme nous le dit Maucourant ont préféré des formes de socialisme autogérées induisant une forte intervention de l'Etat. 
C'est le cas par exemple de Polanyi. Ce serait donner à l'Etat ("Die Commune", pour les adeptes de cette formule autogérée) une forme trop prépondérante. Mieux vaut lui préférer une régulation par le marché privilégiant l'échange avec, pourquoi pas, de la réciprocité, et montrer que les formes d'économie arbitrairement imposées tout comme le marché tout seul avec l'entreprise au centre, sans la réciprocité, sont de grandes utopies (1) .
Ainsi, en situation de concurrence pure et parfaite, le marché peut il être réellement libérateur comme nous le dit Laurence Fontaine qui, elle malheureusement, s'attache au marché traditionnel et a donc une vision erronée des priorités à donner en matière économique. Ce n'est pas le marché qui prime, mais l'économique. 
Donc reprenons : le don, le gratuit (Maussien) qui ne peut se jouer qu'en situation d'abondance, donc de concurrence pure et parfaite, la réciprocité (le troc, l'échange) (éthique, équité), 'échange marchand enfin. (un cinquième ; l'associatif). Mettre ma typologie.
Evoquant Isabelle Hillenkamp, Jérome Maucourant évoque l'idée d'une quatrième sphère de production et d'échange qui vient compléter notre idée d'un marché élargi : la sphère domestique, ce que Hillenkamp appelle "The Householding" et nous sommes d'accord avec elle pour dire qu'il s'agit de la quatrième forme d'intégration (de l'économie à la Gemeinschaft). Cela suppose "un retour à l'identité de groupe comme modèle institutionnel" (non pas forcément faillite mais quelque chose entre le Ménage, unité institutionnelle et la cellule familiale. entre la dénomination complètement anonyme et la vie privée.
Cela s'entend bien sûr d'une sphère économique non pas prédéterminée à l'avance et témoignant d'un certain arbitraire dans la liberté des choix de vie et même s'il y a déplacement de la notion de sphère domestique dans le sens proprement juridique il y a bien ici importance de cette dernière dans la production et l'échange économique. 


Donc reprenons : il y aurait en plus du marché considéré jusqu'ici par consensus comme la seule et unique expression d'une activité économique , d'autres formes d'échange et de production qui constitueraient chacune des sous-ensembles plus ou moins ancrées dans le temps. Pour ma part, c'est ce que je développe dans mon ouvrage "la communauté économique locale, la revanche de la commune" je distingue les types de production et d'échange suivants :
-La sphère marchande.
-La sphère semi-marchande (biens et services associatifs ou encore biens et services produits par les administrations mais payants).
-La sphère non marchande (biens et services produits par les administrations non payants, gratuit, troc, don).
Mais comment s'y retrouver et mesurer votre économie réelle à travers cet amoncellement d'initiatives ?

Et c'est toute la force du système polanyien en tant que précurseur d'une nouvelle façon de concevoir l'économie que d'en tenir (enfin) compte. 

Ainsi replace t'on l'économie à sa juste place, celle des individu, c'est pourquoi Polanyi parle de réencastrement. 
L'économie du local au global fonctionne non pas comme un grand système qui essayerait tant bien que mal de coller aux individus mais comme un système elliptique partant de chaque individu dans sa singularité et allant dans un système fonctionnant du plus petit au plus grand. D'abord l'individu, puis le foyer formé de membres familiaux, d'amis , de connaissance s (parents, amis , relations) puis par la tribu, le village, la ville, le réseau de villes, la région, le territoire national puis enfin, le territoire international. On en revient au vieil adage tribal : "mon frère avant mon cousin, avant mon voisin avant l'étranger" qui ressort dans toutes les tribus ancestrales gauloises, celte ou africaines pour ne citer qu'elles. Il en va de même en matière d'évolution du politique, c'est non pas à grand échelon qu'il faut raisonner mais sur une échelle qui va du plus petit au plus grand pour appréhender le mieux possible la valeur  et l'efficience de la démocratie.
Comment chiffrer ces valeurs économiques, cette création de valeur ajoutée supplémentaire qui est située en dehors des normes habituelles ? Nous voulons dire, comptabilisée dans le PIB ? 
Il faudrait organiser une stratégie afin de comptabiliser la valeur ajoutée crée. Pourquoi pas en  réalisant des enquêtes sur le terrain, en demandant à des échantillons de population de mettre sur le papier les tâche effectuées, les travaux réalisés, les heures de travail faites en dehors du temps de travail rémunéré ? Après tout, l'heure de travail n'est elle pas la base de la comptabilisation de la richesse crée ? 
Même chose pour les associations . Ces dernières ne pourraient elles pas tenir un cahier des charges sur lequel elles comptabiliseraient ce qu'elles ontcrée en matière de richesses, le nombre d'heures de leurs bénévoles, de même que les systèmes d'échange locaux, les réseaux d'échange et de troc, les réseaux internet de covoiturage, coworking, colocation coopération ?

Pour en revenir à l'économie domestique cette dernière fait déjà l'objet d'études sur son impact dans la situation économique des ménages non seulement par l'aide apportée par les plus âgés aux plus jeunes dans un contexte macro-économique de chômage mais également parce que comme nous le dit l'auteur il y a ainsi un lien profond qui se forme via les formes familiales entre le rural et l'urbain un lien complémentaire que ne font que renforcer aujourd'hui les nouvelles pratiques, nouveaux échanges et nouveaux liens issus de la rurbanité. (notamment, l'auteur nous parle des lieux d'une petite agriculture de subsistance dans les villes ce qui est la tendance actuelle). 
L'idée est intéressante, elle fait appel aux pratiques actuelles qui visent à faire "entrer la campagne dans la ville" et "la ville dans la campagne", elle s'attache aux relations d'amitié et de fraternité qui unissent les individus au delà de leurs différences, à travers par exemple, le fait associatif..
Ce que l'on pourrait reprocher aux tenants d'une économie qui part avant tout de l'individu et donc de la sphère domestique, c'est d'abord et avant tout le fait que cette dernière n'est là tout comme les autres formes de réciprocité , de production et d'échange non marchand ou semi marchand si l'on reprend ma typologie, c'est d'abord que ces dernières ne font pas autre chose que pallier aux insuffisances de notre système économique global. Or, pour bien faire les choses, il faudrait renverser comme je le dis dans "la CEL, la revanche de la commune" renverser la commune par les pieds et opérer un phénomène de réencastrement de la production et de l'échange en commençant du plus petit au plus grand. Dans ce contexte là, l'économie marchande finirait par ne fonctionner que en fonction de ce qui est en dessous et elle même finirait par être en harmonie avec le reste de la production et de l'échange. Ce n'est que dans ce contexte là que le fameux "laisser faire, laisser passer" peut prendre tout son sens , quand il a en son centre, non pas uniquement l'entreprise mais la communauté toute entière avec pour unique point central, l'individu. De là mettre fin effectivement à la domination, sauf, et c'est là que le bât blesse dans le cadre domestique où à encore, il faut bien le reconnaitre nous vans du mal à mettre fin à toute les dominations notamment liées au sexe qui se sont mises en place au fil du temps. Bien faire fonctionner le système d'économie réencastrée saine, ans domination ou effet pervers dans un contexte d'économie qui libère l'individu de ses entraves suppose bien en effet être dans une société évoluée ce qui n'est pas le cas de partout, même chez nous.
Cependant, on peut relativiser cette observation en tenant compte de l'évolution des mentalités et des valeurs sociales. Une évolution qui se traduit concrètement par l'évolution du droit. Ce dernier donne notamment à voir lors de cette dernière décennie de nombreuses innovations, notamment en matière de droit du père et de reconnaissance de ce dernier. On citera par exemple le congé parental d'éducation (loi du 10 aout 2001, réforme du 21 janvier 2014), valable sans distinction de genre et les jours d'arrêt pour naissance (article 122.25.4 du code du travail).
Sur le plan statistique, les nouvelles générations intègrent de plus en plus l'égalité stricte, et le partage traditionnel entre travail domestique et travail à l'extérieur est de moins en moins évident. C'est d'ailleurs même de plus en plus l'homme qui prend en charge l'essentiel du travail familial pour que la femme hisse faire évoluer sa carrière souvent lorsque le calcul coût-avantage en termes de revenus est plus favorable au foyer.
Ce n'et donc plus le genre qui conditionne les rôles de chacun mais d'autres paramètres qui entrent en jeu.



On peut d'ores et déjà énoncer ici la chose suivante. L'économie réencastrée, sans effet pervers et la situation effective de concurrence pure et parfaite ne peut intervenir qu'à une condition : dans une société évoluée où les droits de chacun sont respectés, sans distorsion ou couts de transaction liées à de prises d'intérêt sinon illégales, du moins illégitimes. Seul le droit, fabriqué par des citoyens éctifs épris de chose publique et ses représentants  et son application sans                peut ouvrir les ports de l'économie de l'abondance et en faire le norme qui s'impose. On pourrait ici s'attarder sur la théorie du double mouvement de Karl Polanyi : Un état, une économie officielle, d'Etat qui distribue les parts d'un gâteau, et de l'autre côté, une économie souterraine , entre usagers et citoyens, qui tente de produire et de partager de la richesse en suivant les lois de la solidarité. Mais c'est ici donner une bien faible importance au paradigme économique qui veut que la création de richesse soit infini et le partage, naturel.