samedi 9 août 2014

Le modèle économique indien : de l'essentiel à l'universel. un article de Bernard Duterme.

Voilà un article qui renforce une fois de plus notre théorie du "Développement universel". Cette fois-ci, il traite des indiens d'Amérique, notamment au sud, plus particulièrement des zapatistes et montre que le nouveau paradigme économique à venir est international.
A lire avec attention.

nos commentaires.


La teneur de cet article correspond très bien à notre conception d'une "nouvelle mondialisation " et d'un "nouvel alignement" tel que nous le défendons chez Respublica, avec entre autres des blogs comme "projet Canut", le blog du petit propriétaire de ses opens de production, créateur de richesse, libre et égal en droit. Les Indien Chiapas, zapatistes, comme d'autres acteurs et collectifs locaux, ou encore les tribus africaines, devraient aller rejoindre les grandes puissances non encore développées économiquement comme la Russie ou encore, la Chine et les Etats-Unis afin de leur enseigner l'économie réelle et la démocratie locale. C'est défendre une vraie définition du développement économique et social qui commence d'abord par l'humain. C'est ce qui définit une politique de civilisation. Des articles de cette teneur sont à lire de manière bien plus urgente que les précis d'économie publiés par les grandes maisons d'édition spécialisées pour passer ensuite sans tarder, avec courage, à l'action Politique à proprement parler.

Noura Mebtouche.



Mondialisation et coopération au développement : le prisme du Chiapas

par Bernard Duterme
(2001)
Dans le monde de la coopération internationale au développement comme ailleurs, il y a déjà quelques années que le thème rabâché de la mondialisation occupe le devant de la scène. Pour le meilleur et son contraire. Synonyme d’échange, d’ouverture et d’enrichissement mutuel, elle est vénérée. Assimilée à un rouleau compresseur uniformisateur, à un phénomène incontrôlable, facteur d’exclusion, elle est stigmatisée. On l’a répété, la mondialisation n’est pas née de la dernière pluie. Les hommes, les idées, les biens et les services n’ont pas attendu la flamme rouge du deuxième millénaire pour se répandre dans le monde entier. Tout au plus la mondialisation connaît-elle aujourd’hui, développement technologique et dérégulation des marchés aidant, une irréversible accélération. Avec ses conséquences positives et négatives, ses promoteurs et ses adversaires, ses bénéficiaires et ses victimes, ses exploits et ses outrages... Est-ce à dire que ses effets s’annulent, qu’on a affaire là, finalement, à une opération blanche, certes spectaculaire mais somme toute assez neutre ? Ce serait aller vite en besogne.
Partons de situations concrètes. S’il y a « mondialisation », il y a donc du « mondialisé », des continents, des régions, des pays mondialisés, certains d’ailleurs qui le sont même plus que d’autres. La coopération internationale au développement - qui, par définition, n’est jamais qu’une des expressions de la mondialisation - connaît bien ces endroits qu’elle participe, avec d’autres disciplines, à placer au centre du « village global », sous les feux des projecteurs de la communauté internationale. Le cas du Mexique est exemplaire. Pont suspendu entre le Nord et le Sud, terre-plein entre l’océan Pacifique et l’océan Atlantique, le Mexique multiplie les entre-deux géographiques, culturels, économiques, sociaux et politiques, qui font de ses terres le laboratoire de bien des enjeux mondiaux contemporains. Rapports nord-sud, ouverture économique et crispation politique, globalisation et respect des identités particulières, néolibéralisme et dualisation sociale, anomie et participation, agriculture de subsistance et agro-industrie d’exportation, régionalisation et protectionnisme, délocalisation et fermeture des frontières..., l’avenir du pays intéresse à plus d’un titre.

1. Chiapas, nombril du monde

Plus précisément encore, au fin fond du Mexique, à la frontière guatémaltèque, l’État du Chiapas s’est lui aussi fait un nom sur la scène internationale. Son entrée au monde ne date d’ailleurs pas d’hier. Région certes reculée, on s’y sent nombril du globe, pas moins qu’au pied de la tour Eiffel, pas plus que sur les trottoirs de Wall Street. Qu’y trouve-t-on ? Qui rencontre-t-on ? Des milliers de gosses aux pieds nus et à la peau basanée qui tannent des milliers de touristes aux pieds nickelés et à la peau rougie. Une population majoritairement pauvre, à dominante indienne maya dans l’est de l’État et ladina ailleurs ; une population qui survit misérablement d’une terre surfragmentée et souvent épuisée, d’un fragile secteur informel urbain ou encore d’un salariat, proche du servage, concédé dans les grandes exploitations. Une oligarchie locale assoupie depuis l’époque espagnole sur ses monopoles agricoles, commerciaux et politiques. Des églises catholiques à l’architecture coloniale, des entreprises multinationales aux structures néo-coloniales. Des investisseurs asiatiques, nord-américains et une main-d’oeuvre locale bon marché.
Un territoire et des sous-sols riches d’eau, de bois, de biodiversité, d’élevage et de pétrole. Des temples protestants au succès grandissant. Des temples du fast-food au succès confirmé. Des organisations non gouvernementales, mexicaines ou étrangères, d’aide humanitaire, de coopération au développement, de solidarité avec les paysans, avec les Indiens, avec les femmes du Chiapas, exclues d’entre les exclus... Des camps de réfugiés guatémaltèques installés dans le provisoire depuis vingt ans et qui ne rentreront plus. Des clandestins centraméricains engagés dans des périples à hauts risques vers les États-Unis et qui n’arriveront pas. De la drogue en culture, en vente ou en partance vers d’autres destinations. Une rébellion indigène originale dont les communiqués poético-vindicatifs font le tour du monde et dont les idéaux démocratico-zapatistes attirent une constellation de touristes politiques... De l’espagnol, du spanish , de l’anglais et encore un peu de tzotzil ou de tojolabal. Des autochtones incultes mais acculturés, de l’artisanat tipico et des tee-shirts sans frontières, du Pepsi , du Coca et du Posh [1], des casernes fédérales de militaires surarmés sur fond de paysages somptueux, des programmes de télévision mis en boîte à Miami, des syncrétismes déroutant et des ethno-anthropologues déroutés, du particulier, du cosmopolite, du maïs en masse et des hamburgers en guerre, de l’archaïque et du postmoderne, des pyramides mayas et de l’universel...
A n’en point douter, le Chiapas est bel et bien au centre du monde. Tant sur le plan économique que politique et culturel. Ses produits se répandent sur le monde et le monde se répand sur son territoire. A l’évidence, au-delà des opportunités qu’elle a pu créer, la mondialisation s’y est faite corollaire ou plutôt alliée d’un système économique et politique excluant. Un système qui a sans doute évolué au fil des siècles mais qui n’a jamais connu de véritables remises en cause des rapports de force qui structurent la société chiapanèque depuis son entrée au monde il y a quelque cinq cents ans. Un système qui tire aujourd’hui sa logique de tendances lourdes, à l’oeuvre à l’échelle du monde...

2. Modèle et contre-modèle de développement

Quel rôle la coopération au développement peut-elle jouer dans un tel contexte ? Comment s’inscrit-elle dans cette lame de fond mondialisatrice qui a fait du Chiapas un nouveau « pays proche » ? C’est la quadrature du cercle ! Expression de la mondialisation comme l’ont été d’autres « irruptions » historiques - telles la colonisation, l’évangélisation, le tourisme, la néo-colonisation... - plus ou moins bien vécues par les populations locales (c’est un euphémisme), la coopération au développement se doit de montrer sa différence. Montrer en quoi l’attrait pour cette région du monde, à l’oeuvre au sein des acteurs de la coopération - en réalité d’abord européens ou nord-américains - se démarque radicalement, dans sa manifestation comme dans ses conséquences, de l’intérêt d’autres « grands voyageurs qui font le monde », touristes ou hommes d’affaires. L’intentionnalité des visiteurs n’est pas en cause. Tous fondent leur démarche, soyons-en sûrs, sur de nobles sentiments, sur un souhait de vie meilleure pour les personnes rencontrées... Là où la coopération au développement est susceptible de donner sens à son appellation, c’est dans le rapport que ses promoteurs parviendront à construire avec leurs « partenaires », leurs vis-à-vis chiapanèques : un rapport de réciprocité et d’enrichissement mutuel, un rapport où les deux parties en présence seraient sujets de la relation et non pas objets.
Le contre-modèle, c’est l’actuel modèle de développement économique du Chiapas. Un modèle qui considère le gros de la population locale comme une main-d’oeuvre taillable et corvéable à merci, et qui tient l’établissement dans la région de nouvelles entreprises à capitaux étrangers, où les normes minimales en matière sociale et environnementale ne sont pas respectées, pour la voie du salut économique. Le contre-modèle, c’est celui de la marchandisation de la nature et de la culture, qui a fait du Chiapas et de ses habitants indigènes le décor d’un vaste complexe touristique, la réserve énergétique du reste du pays et le terrain d’un pillage organisé au profit du plus offrant. Le contre-modèle, c’est celui de la généralisation de l’agro-exportation au détriment des cultures vivrières, celui de l’uniformisation culturelle au détriment des identités particulières, celui de la dérégulation des marchés et de la concentration du pouvoir au sein de quelques multinationales, celui de l’accroissement des inégalités [2]... Le contre-modèle, c’est celui d’un Chiapas mondialisé où la majorité de la population n’a pas la maîtrise de son propre destin, où elle demeure l’objet de décisions prises ailleurs.
Le modèle de la coopération internationale au développement, en revanche, pourrait être celui proposé aujourd’hui par les indigènes eux-mêmes, ou, pour le moins, par une forte composante du monde maya chiapanèque. Non pas, comme on pourrait le redouter, un modèle frileux de repli sur soi, une apologie d’un mythique âge d’or autarcique, un appel fondamentaliste à une authenticité première ou à la fragmentation identitaire du Mexique... mais bien le modèle d’« un monde où, selon l’une de leurs citations les plus reprises,il y aurait de la place pour tous les mondes. » L’utopie des Indiens du Chiapas d’apparence ingénue n’est pourtant ni isolée ni fortuite. La « néo-libéralisation » des sociétés latino-américaines a ouvert des espaces, monopolisés jusqu’il y a peu par des États forts. L’acteur indigène entend bien s’y manifester, défiant ainsi le climat de décomposition sociale qui tend à prévaloir. Objectif : la mise à l’ordre du jour de l’existence politique, culturelle et sociale de multiples résistances indiennes, aux quatre coins du continent. La rébellion zapatiste du Chiapas est l’une d’elles, probablement la plus en vue. Si la justice sociale reste l’étoile à atteindre, sa quête repose désormais sur la responsabilisation du pouvoir, la reconnaissance des diversités et la revalorisation de la démocratie. Si l’on s’éloigne du modèle des guérillas révolutionnaires traditionnelles, on est loin aussi des guerres messianiques, à la violence définitive, sans réserve et sans retour, des Mayas d’hier. Identitaires, les zapatistes d’aujourd’hui sont aussi démocrates et soumettent à discussion leurs idéaux multiples et divisibles...
A l’occasion d’échanges répétés avec un flot de visiteurs de tous bords, mexicains et étrangers, les rebelles indiens ont esquissé leurs aspirations : autonomie sans séparation, intégration sans assimilation... A la déferlante uniformisatrice de la mondialisation et à l’indigénisme intégrationiste des autorités nationales, les zapatistes du Chiapas répondent par un indianisme respectueux des identités. « Etre reconnus égaux et différents, Mexicains et Indiens dans une démocratie plurielle qui sache faire l’unité dans la diversité. » Défi universel, s’il en est.

3. « Nos problèmes sont les vôtres »

Articulation pacifique et inédite d’intérêts particuliers, d’aspiration démocratique et de valeurs sans frontières, le mouvement zapatiste est perçu par de nombreux observateurs comme le contre-exemple par excellence de plusieurs mouvements identitaires qui, de par le monde, en ex-Yougoslavie, en Algérie et ailleurs, ont sombré dans le repli, l’autoritarisme, l’obscurantisme ou la violence, ont répondu à la mondialisation par le fondamentalisme. La rébellion chiapanèque à l’inverse, suffisamment identitaire pour ne pas se diluer, suffisamment universelle pour ne pas se replier, multiplie les ancrages sans les opposer : indien, mexicain et humaniste.
Aux acteurs de la coopération au développement qui leur demandent ce dont ils ont besoin, les Indiens mayas renvoient la balle : « Regardez chez vous. Nos problèmes sont les vôtres. Sortez de vos schémas paternalistes. La mondialisation de la solidarité est à construire ensemble. » Iconoclaste, la repartie fait mouche. « Les gens intéressés par les Indiens du Chiapas devraient l’être plus par intérêt propre, renchérit le sociologue français Yvon Le Bot manifestement séduit par l’invite. Ils le sont encore trop par charité chrétienne, par compassion pour les victimes. Le zapatisme, c’est la volonté de rompre avec ce type de solidarité à sens unique. La solidarité doit être réciproque. La meilleure manière d’être solidaires avec les indigènes chiapanèques, c’est d’affirmer la même logique qu’eux, ici, chez nous. L’orientation zapatiste et les problèmes autour desquels elle s’articule sont des problèmes que nous partageons ici. La question centrale en Belgique, quelle est-elle ? Comment vivre ensemble avec nos différences ? Autrement dit : l’identité et la démocratie, les deux pôles mis en avant par les Indiens du sud-est mexicain. » [3]
On l’aura compris, l’articulation sur le plan international de la rébellion du Chiapas - ou de toute autre résistance sociale, culturelle et politique - avec d’autre groupes, d’autres acteurs sociaux mobilisés en fonction de leurs propres intérêts sur des problématiques communes devrait se profiler comme l’un des défis des prochaines années au sein du monde de la coopération au développement. Une coopération au développement respectueuse des dynamiques locales, fédératrice de sociétés civiles et soucieuse de porter sur le plan politique les revendications de ses acteurs...
On n’en est pas encore là ! Séduisante, la consécration du modèle de développement proposé par les Indiens du Chiapas attribue évidemment beaucoup de vertus à une rébellion qui, si elle multiplie les originalités « théoriques », peut révéler un réel plus trivial, une fois abordée empiriquement. L’idéalisation abusive d’une action inédite qui concilierait lien communautaire, autonomie individuelle, solidarité sociale et exigence d’universalité - et qui inviterait ses partenaires du monde entier à la rejoindre - ne résiste pas toujours à l’analyse de la réalité et aux rapports de force qui la traversent. Bien des menaces pèsent aujourd’hui sur le mouvement des Indiens chiapanèques. Bien des écueils sont encore à évités. Encerclée, neutralisée, divisée, la rébellion pourrait se raidir et répondre à l’étouffement par la fuite en avant et la violence ; donner raison à ceux qui en son sein rêvent de souveraineté maya et repoussent l’étranger, ou à l’inverse, laisser libre cours à ses fondements révolutionnaires internationalistes quitte à diluer son enracinement, se cantonner dans l’esthétisme ou le cosmopolistisme quitte à sombrer dans l’inconsistance. L’équilibre est fragile et circonstanciel. Tout n’est pas joué.

4. « Mondialiser la solidarité » ou « humaniser la mondialisation » ?

Quoi qu’il advienne, l’avenir du mouvement indien du Chiapas dépend aussi de la capacité des acteurs de la coopération internationale à répondre aux défis qu’il lance au reste du monde. Celui de la démocratie à l’heure de la globalisation. Celui du respect des particularités et celui de l’universalité du respect. Celui de la résistance à l’exclusion dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord. La rébellion chiapanèque nous invite à investir les interstices de la mondialisation d’expériences solidaires et... à les mettre en vitrine. La coopération au développement, laisse-t-elle entendre, n’aura de sens qu’accompagnée d’une démarche coordonnée et volontariste d’inscription sur le plan politique de ses principaux défis...
Il revient aux acteurs non gouvernementaux eux-mêmes, du Nord comme du Sud, d’exiger de leurs autorités nationales mais aussi des instances publiques internationales, qu’elles créent les conditions structurelles propices à « la mondialisation de la solidarité » [4]. Ce processus, ambitieuse opération de résistance face à« la généralisation d’une logique économiciste excluante et destructrice », se structure dans les faits autour de quelques grands axes mobilisateurs : le renforcement et la convergence des mouvements populaires anticapitalistes, la défense des droits humains, culturels, politiques et sociaux, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et aux services sanitaires de base, la promotion de relations équitables entre les hommes et les femmes, la protection de l’environnement, les échanges culturels, le renforcement des capacités d’action citoyennes, etc. « Ce n’est que sur la base d’intérêts communs et d’un engagement solidaire que nous pourrons nous rapprocher de l’objectif d’un monde bâti sur la justice, l’égalité, la démocratie et la liberté », proclament les ONG. Aujourd’hui, au Forum social mondial de Porto Alegre et ailleurs, une multitude d’entre elles, de tous les coins de la terre, s’entendent pour revendiquer l’instauration de mécanismes démocratiques visant au contrôle et à la transparence des institutions financières internationales et à la régulation des marchés mondiaux... preuve, s’il en était encore besoin, que le champ d’action et de compétence du monde bouillonnant des ONG de développement est désormais, lui aussi, sans frontières.
En définitive, pour la plupart des acteurs de la coopération au développement comme pour les Indiens mayas du sud-est mexicain, postulats et conclusions coïncident. Pour que la mondialisation ne soit pas interprétée par les deux tiers de l’humanité comme la libre expansion d’un modèle de développement inéquitable ou, sur le plan politico-militaire, comme un blanc-seing aux interventions à géométrie variable des grandes puissances, il faudra qu’elle s’accompagne d’indispensables corollaires : la solidarité, la justice dans les relations internationales, le respect des différences et la recherche de l’équité dans la redistribution des ressources. Vaste programme ! Les souhaits désormais affichés par le tout-puissant Fonds monétaire international d’« humaniser la mondialisation » pourront-ils y répondre ? Ou est-ce la logique même de l’actuelle mondialisation qui est à revoir ? Poser la question parmi les acteurs de la coopération actifs au Chiapas, c’est y répondre.

Notes

[1Boisson locale alcoolisée à base de maïs et de sucre brut.
[2Lire Adolfo Ocampo Guzman, La Economia Chiapaneca ante el Tratado de Libre Comercio, Ed. du Centre d’Information et d’Analyse du Chiapas (CIACH), Mexico, 1999.
[3Entretien avec Yvon Le Bot, « Le zapatisme, c’est cela ou ce n’est rien ! », Dossier Chiapas in La Revue Nouvelle, Bruxelles, novembre 1999.
[4In La Déclaration de clôture de la Conférence internationale des ONG « Mondialisation de la solidarité - du dialogue au trialogue », Berlin, 21-22 juin 1999.
In Van Cromphaut M. (sous la dir.), Les Mondialisations : gouffre ou tremplin ?, Paris, L’Harmattan, 2001, 75-83.



mercredi 23 juillet 2014

Réflexion générale sur la monnaie.

Réflexion générale sur la monnaie : A partir du travail en débat autour de la question du revenu de base encadré par Noura Mebtouche, présidente du mouvement citoyen populaire Respublica, auteur de "RIE, budget et fiscalité" et de François Nicolas, chercheur, militant pour le revenu de base et l'écologie la plate forme convergence des luttes, à Notre Dame des Landes, près de Nantes, le 6 juillet 2014.

A propos de la masse monétaire. Pour certains, on peut créer de la masse monétaire sans contrainte, sans que cela porte préjudice à notre économie.
Et l'inflation, et les dommages qu'elle cause sur le commerce extérieur et sur la valeur de notre monnaie ? Nous nous devons donc de répondre la chose suivante : pour qu'une économie soit viable avec la monnaie qui la représente, on ne peut pas laisser courir n'importe comment les taux ni créer davantage de monnaie pour l'échange que ce qui est crée en valeur ajoutée (en richesse) réelle.
Pourquoi ? Pour rester crédible mais aussi solvable vis à vis des pays avec lesquels on pratique l'échange. Que se passe t'il dans les cas où ces autres pays font la même chose, c'est à dire font eux aussi fonctionner la planche à billet. On aboutit à l'aboutissement le plus final de ce qui a été lancé en 1971 avec la fin de la convertibilité-or du dollar par Nixon; un flottement des monnaies sans équivalent qui nous fait dire la chose suivante : dans ce cas là à quoi sert d'avoir une monnaie ? A rien. Pourquoi ne pas faire tout bonnement dans ce cas du troc ?


Pourquoi la monnaie nationale doit-elle conserver un niveau élevé ? Parce qu'elle reflète l'état de santé de notre économie au niveau national, sa capacité à créer des richesses à un bon niveau. 
Pour que les échanges et le commerce international se fassent dans de bonnes conditions, suivant la loi des avantages comparatifs (Ricardo), il faut donc que les monnaies gardent à peu près le même niveau.
La seule concession que l'on puisse faire à ce principe est ce que nous avons imaginé dans le contexte d'une mise en place du RIE. Nous l'exposons dans notre ouvrage "RIE, budget et fiscalité". C'est à dire un alignement progressif de la monnaie française, post euro au niveau des monnaies des pays les moins favorisés. On garde, dans ce cadre, la possibilité de faire jouer notre commerce extérieur et de conserver les intérêts liés à la possibilité d'avantages comparatifs.  Dans ce cadre là, la raison principale pour laquelle notre monnaie perd de la valeur est une raison rationnellement maîtrisée et calculée visant à modifier les termes de l'échange et notre politique de commerce international. Mais en aucun cas il ne s'agit d'une perte de valeur monétaire liée à une quelconque augmentation anarchique de la masse monétaire par création ex nihilo.

Donc, non. Avec la mise en place d'une mesure comme le RIE, il convient de ne pas créer trop de complications avec la monnaie et de laisser cette dernière évoluer normalement, ne pas  attendre de recettes inespérées par la création monétaire sans contrainte mais faire financer le RIE par les richesses réelles crées sur le territoire français (comprenant aussi des richesses non monétaires à faire comptabiliser au PIB par des mesures spécifiques.
Donc, non, pour nous la planche à billet et la création monétaire n'est pas une solution possible. Par contre, on peut très bien imaginer que dans un contexte global visant à faire fonctionner les économies locales par les monnaies complémentaires, on puisse laisser ces dernières proliférer et se créer en tant qu'instrument d'échange uniquement confinées dans la sphère locale. C'est d'ailleurs le système que Phillippe-Derudder imagine lorsqu'il évoque la création possible d'un espace complémentaire sociétal (ECS) au sein de son ouvrage Une monnaie nationale complémentaire, en collaboration avec André Jacques Holbecq, éditions Yves Michel. 02/2011.

Dans ce cadre là la création de billets, instruments d'échange comme monnaie d'échange correspond à des objectifs tenant uniquement au commerce.

Rappelons quelques principes importants au sujet de la monnaie nationale. Celle-ci est 

-Etalon de toutes les valeurs. 
Elle détermine la valeur d'un bien ou d'un service sur un marché.
-Intermédiaire des échanges.
C'est à travers l'échange que se fixent les prix des marchandises les unes contre les autres (prix relatifs) puis les prix monétaires ou prix de chaque marchandise exprimés en monnaie.

-Réserve de valeur. 
A la différence du troc, l'échange monétaire introduit le temps comme variable entre deux opérations d'achat et de vente. Là où l'échange de biens se faisait sans intermédiaire, il y a un laps de temps pendant lequel suite à une échange le nouvel apport de monnaie chez un agent peut faire l'objet de thésaurisation par des individus soucieux de remettre à plus tard leur dépense.

Les monnaies complémentaires ne gardent elles, que la fonction d'intermédiaire des échanges.
En ce qui concerne la fonction d'étalon de valeur, il va de soi que la monnaie complémentaire peut jouer le rôle d'un étalon de référence mais de façon tout à fait relative car sur un marché local, les prix des biens et des services peuvent s'apprécier librement et peuvent dans certains cas (associatif, services publics), ne pas s'aligner sur les biens et les services du marché classique.


Elle reflète notre bon équilibre économique. Il faut donc que le niveau de création monétaire soit raisonnable, et adapté aux réalités économiques. Hors de question de financer un budget sans cesse croissant par une création monétaire sans entrave, un contrôle des recettes, pour cela est plus efficace. Ce dernier doit se faire en harmonie avec le fonctionnement global de l'économie, il doit être conforme aux critères d'efficience. C'est à dire qu'il doit entrer dans le processus global de fonctionnement de la résilience, du mécanisme de résilience, et intégrer les paramètres nécessaires à la mise en place de la transition écologique comme unique fondement économique (François Quesnay et les physiocrates). 
Par contre les monnaies locales peuvent être rées sans contrainte en tant qu'instruments d'échange fondants.
Cette dichotomie entre une monnaie nationale de référence servant à mesurer le niveau de l'économie et à le comparer aux pays extérieurs doit permettre sans remettre en cause l'échange extérieur, la création de richesse et le partage de la valeur ajoutée ainsi que la souveraineté des Etats, de modifier quelque peu la manière dont on conçoit la monnaie dans les mentalités. Perçue comme le dit en effet Philippe Derudder dans ses conférences, comme "quelque chose de rare mais cher" à thésauriser à tout prix, elle rejoint la conception keynésienne au sein laquelle la monnaie thésaurisée serait une "fuite" du système économique. Que nous disent les néoclassiques à ce sujet, que la thésaurisation, l'épargne est une consommation future, gage de bonne santé économique, et susceptible d'entrainer des investissements de la part des entreprises par anticipation. 

C'est ce qui se passe actuellement puisque effectivement on ne peut remettre en cause le fait que l'épargne finance l'économie. Mais, les dires de Keynes se vérifient aussi car effectivement dans certaines conjoncture défavorables, la consommation en pâtit.
Concilier les deux systèmes : une vision nationale, et une vision macroéconomique à long terme,   incluant toutes les formes de richesses.
On ne peut pas abandonner la vision nationale à long terme, dans un premier temps car cela remettrait trop profondément en cause notre système et occasionnerait des dommages trop importants . Mieux vaut le transformer en douceur sans détruire l'équilibre international. Seule la France, petit pays mais ayant un passé riche et fort économiquement peut constituer le point de passage vers un système économique plus égalitaire.
Sur le plan national,on peut ainsi mettre en place un processus qui permet de "retourner le serpent de la superstructure" et placer l'individu avant cette dernière formée par les entreprises.
Sur le plan international, à partir d'un système qui tourne autour d'une monnaie nationale faible mais est devenue la référence, on peut repartir à zéro et refaire de l'économie internationale pour tous les pays à égalité. Une égalité renforcée par les accords de l'OIA au cours desquels, les pays les plus développés, responsables des dégâts causés par les guerres, les pollutions et la colonisation reconnaissent officiellement leurs torts et apportent leur contribution aux réparations nécessaires afin d'obtenir la réconciliation internationale et la Paix dans le monde.
Dans ce cadre, il va de soi que dans le même temps, doivent se développer les nouvelles manières de "faire de l'économie" au sens de Karl Polanyi, ce nouveau paradigme reposant principalement sur le local avant tout d'émanation citoyenne avant tout avec de vraies monnaies complémentaires non alignées sur les monnaies nationales, et une reconnaissance officielle de la production de valeur ajoutée réelle, et de l'échange réel. On doit ainsi tenir compte de tous les paramètres, y compris la valeur ajoutée crée dans le cadre domestique, le troc, la richesse et les échanges en provenance de la sphère associative. Ainsi, pour avoir une idée de la quantité de richesse réelle produite et échangée, des organismes comme l'INSEE pourraient, au même titre que la collecte des données nécessaires à l'évaluation de la valeur ajoutée marchande et non marchande (administrations principalement) réaliser des enquêtes afin de comptabiliser la valeur ajoutée produite par les associations et les ménages dans le cadre domestique. 
Notamment, la question de la monnaie est importante et mérite qu'on s'y attarde : il y nécessité, tout en se servant de notre monnaie nationale comme indicateur de nos nouvelles orientations en matière d'échanges économiques, de modifier les mentalités autour de cette question. Dans ce cadre, un travail comme celui qu'effectue par exemple François Nicolas dans l'idée que la création monétaire doit être sans frein est importante. L'idée que la monnaie est un bien en soi à thésauriser est la source de la domination économie des détenteurs de facteurs de production sur les autres. Mieux vaut privilégier l'échange en local. 
Or, à notre époque, il convient de modifier notre perception du détenteur de facteurs de production, en effet ce que nous proposons n'est pas une nouveau système collectiviste. Nous ne remettons pas en cause le système décrit par Karl Marx qui explique comment la société se divise en classes sociale par la possession de ces derniers. Simplement nous prônons une égalisation des classes sociales, en réduisant l'importance des facteurs de production libellés en monnaie pour mettre en valeur une vision des facteurs de production plus élargie. C'est Pierre Bourdieu qui ouvre la voie dans ce domaine en élargissant la notion de capital : au capital économique s'ajoute en effet la notion de capital culturel, social, que l'on peut élargir au capital biologique, d'identité, de création…etc…
C'est dans le cadre de l'économie locale que peuvent se jouer cet enjeu important dans l'avénement du prolétariat annoncé par Karl Marx dans le Capital qui n'est rien d'autre que l'avénement de l'individu seul propriétaire de ses moyens de production comme l'étaient les Canuts sous la révolte de 1831 que ce dernier a dûment observée.


Cela n'empêche pas l'épargne de se former pour financer l'économie mais elle n'est plus l'unique point d'accroche sur lequel se définit l'avenir économique de certains au détriment d'autres. A quoi sert l'épargne aujourd'hui, si ce n'est à réinvestir sans cesse dans de nouvelles productions inutiles et productrices d'externalités négatives? Il y nécessité aujourd'hui de remettre en cause la toute puissance du taux d'intérêt qui occasionne des épargnes inutiles et dangereuses, contredit le cours naturel de nos monnaies et occasionne la création de bulles spéculatives qui encouragent sans cesse un fossé sans cesse grandissant entre la sphère de l'économie telle et celle de l'économie financière. Alors seulement pourra t'on réparer l'erreur pratiquée par Richard Nixon qui supprime la convertibilité du dollar en or et, par effet d'entraînement celui des autres monnaies. 
Or, si nous voulons arriver un jour à l'Euro or, c'est à dire à une réintégration des économies européennes sous l'égide d'une économie réelle avec une monnaie supranationale qui s'alignerait sur la richesse réelle crée (ce que l'on nomme or), il faut passer par cette phase de maturation de nos économies nationales et de notre système économique international qui va conditionner l'émergence d'une économie viable, juste, raisonnée, efficiente et remettre la monnaie à sa juste place, celle d'un simple équivalent d'échange pour les échanges nationaux et transnationaux traduisant et étant l'instrument de mesure de la richesse réelle crée contenue dans chaque bien ou service marchand et pouvant constituer le cas échéante réserve de valeur suffisante pour, accompagnées monnaies locales, permettre un investissement raisonnable dans un contexte de nouvelle économie qui privilégie après le grand boom des grands travaux métropolitains, nécessaire à la modernisation en milieu urbain et rural, le recyclage des biens économiques crées sans empêcher l'innovation de se faire.
Il n'y a donc pas de raison, comme essaye de le mettre en place la "petite loi " relative à l'économie sociale et solidaire du 3 juillet 2014 que les monnaies locales soient adossées définitivement à la valeur de la monnaie nationale de manière indéfinie car il est préférable qu'elle soient fondantes pour l'échange, ni à la quantité de monnaie nationale ou transnationale en circulation, car elles servent uniquement à l'échange et leur seul rôle est d'être un outil suffisamment efficace pour pourvoir aux besoins de toute la collectivité comme le veulent les critères de l'économie de l'abondance.


Voici le contenu de la loi sur l'économie solidaire, du moins de la section 4 qui l'accompagne.
Chapitre I du titre Ier du livre III du code monétaire et financier complété par une section 4 ainsi rédigée :
"Section 4".
« Art. L. 311-5. – Les titres de monnaies locales complémentaires peuvent être émis et gérés par une des personnes mentionnées à l’article 1er de la loi n° 374  de la loi relative à l’économie sociale et solidaire dont c’est l’unique objet social.
 « Art. L. 311-6. – Les émetteurs et gestionnaires de titres de monnaies locales complémentaires sont soumis au titre 1er du livre V lorsque l’émission ou la gestion de ces titres relèvent des services bancaires de paiement mentionnés à l’article L. 311-1, ou au titre II du même livre lorsqu’elles relèvent des services de paiement au sens du II de l’article L. 314-1 ou de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315-1. »
Dans ce cadre, si nous n'écoutons pas les termes de la loi, la monnaie échapperait elle complètement à l'Etat ?
Pour que les monnaies locales fonctionnent correctement, c'est à dire, en jouant pleinement leur rôle d'instrument d'échange au coeur d'une économie où c'est la richesse réelle crée qui compte, il faut qu'elle soit capable de se déconnecter de la monnaie nationale afin de ne pas constituer uniquement de "pâles copies" de cet outil de référence. Son caractère fondant est nécessaire pour atteindre l'efficience au niveau macroéconomique général.
C'est le contraire du pli que prennent aujourd'hui les monnaies locales, chapeautées et financées par les institutions et ne laissant pas libre cours à l'expression de la volonté populaire d'une part, de l'économie réelle, libre et solidaire et éthique d'autre part.
Il y a donc lieu de s'inquiéter de la tournure que prend actuellement le tournant effectué par cette loi qui a été votée en juillet 2014.
Le tournant offert par l'opportunité que donne à chacun la conjoncture, de se réapproprier notre économie avec de nouveaux coûts de transaction ou effets de déviance annihilant l'effort ainsi fourni.
Voici un exemple de coût de transaction dans le cadre de l'adoption d'une monnaie complémentaire :
Financer un excès de communication ou de médiatisation excessif d'une nouvelle monnaie locale par un gros apport de capitaux financé soit par l'Etat soit par des entrepreneurs ou des personnes privées. Là encore, il y a naissance d'un droit de propriété de fait avec risque de la part de l'un ou de l'autre financer de prise d'intérêt illégal. D'autre part cela entraine des distorsions sur le marché des biens et des services et la manière dont les citoyens appréhendent leur économie. La mise en place d'une économie locale doit ainsi se faire dans la tranquillité , en douceur, sans aller trop vite…Afin que cet outil puisse faire l'objet d'une appropriation sociale tout autant qu'économique , se rapprochant ainsi de l'intégration entre ces deux sphères que préconise Karl Polanyi dans "la Grande Transformation", en hommage à Aristote. Il faut surtout être vigilant en matière de financement de l'économie solidaire , spécifiquement dans le domaine des monnaies locales. L'effet de distorsion est en effet d'autant plus important lorsque les financements institutionnels sont lourds et la relation linéaire qui s'installe entre ces institutions et l'économie locale a des effets sclérosants pour la prolifération des liens et réseaux nécessaires à la création de la vraie richesse.
On remarque la même tendance générale en ce qui concerne le secteur associatif et la faiblesse, depuis ces dernières années des subventions au profit d'une intervention purement institutionnelle qui se substituent au secteur associatif dans bien des cas, occasionnant de graves manques à gagner en matière de création de vraie richesse et de vrai lien social.
Enfin, nous avancerons l'argument suivant : il y a nécessité de bien comprendre que le véritable sens du mot Etat n'est pas l'appareil d'Etat mais le peuple, c'est donc non pas une perte de pouvoir de l'Etat sur la monnaie bien au contraire qui marquerait notre civilisation si les monnaies locales proliféraient mais bien une réappropriation de ces dernières par le peuple.
Bien au contraire c'est lorsque les grandes masses monétaires par le biais de la spéculation échappent aux individus que la monnaie échappe à l'Etat.
Pour en revenir à la loi du 3 juillet 2014, nous contestons cette dernière dans le sens où elle ne tient pas compte du véritable potentiel économique de la France.

Cette loi aurait dû, bien plus qu'un instrument d'avalisation du système économique fondé sur la détention des moyens de production par une partie de la population, un véritable tournant dans l'histoire économique nationale. Elle ne l'est pas et mérite bien son surnom de "petite loi".

Dans l'ensemble des articles que nous avons étudié au sujet de cette loi, seul l'alinéa 4 de l'article 4 relatif aux chambres de l'économie sociale et solidaire semble correspondre aux critères que nous avons précédemment explicité de contribution et coopération du secteur public institutionnel en matière d'économie sociale et solidaire selon les critères de l'efficience :  

Article 4. Alinéa 4.  La contribution à la collecte, à l’exploitation et à la mise à disposition des données économiques et sociales relatives aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. 
Cela est nécessaire dans le cadre de l'appréciation neutre et éthique de la richesse réelle crée sur le territoire national, autrement dit du PIB. D'autres statistiques sont nécessaires qui ne sont pas prévues dans le cadre de cette loi, nous entendons ici les statistiques relatives à la production d'externalités négatives dans le cadre de la production de certains biens ou services qui polluent ou ne respectent pas le droit du travail. Dans ce cadre, l'intervention des pouvoirs publics doit être uniquement observatrice (recueil de données) car les coûts de transaction entourant toute intervention de l'Etat dans le système libéral "laisser faire-laisser passer" sont autant de manques à gagner pour l'économie positive (1).

(1) Nous entendons par "économie positive" l'économie productrice uniquement d'externalités positives. Dans ce domaine là, il convient d'être rigoureux et de n'autoriser aucune dérogation à la règle selon laquelle "d'un effet positif sort un effet positif et d'un effet négatif sort un effet négatif". Ainsi, aucune forme, même infime de pollution, aucune dérogation au droit du travail ou aux droits de l'homme (notamment la question du salaire ou du temps et des conditions de travail, notamment dans les pays où la législation est la moins développée défini internationalement (BIT) n'est acceptable. C'est ce que nous définissons dans notre ouvrage "RIE, budget et fiscalité" avec une grille qui contient les principaux éléments de taxation par le biais d'une taxe sur la valeur ajoutée croissante des productions marchandes.
Enfin en ce qui concerne l'utilisation du terme "libéralisme économique" nous maintenons que le vrai libéralisme économique est la seule optique économique possible. Cette dernière repose sur la propriété privée et son respect (article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen". La seule voie de développement possible passe par la reconnaissance du droit de chacun à la propriété et la protection de ce dernier. On ne saurait cependant dans cette deuxième phase du développement de nos société tomber dans le même travers qu'au sein de la phase que nous quittons à peine, à savoir celle du capitalisme visant à faire du droit de propriété un instrument de domination. Ce dernier n'est valable en effet que dans la mesure où les individus respectent le droit. Il n'y a donc que par le droit et lui seul que l'on peut créer une économie viable. Cela passe par l'impossibilité juridique de créer des monopoles ou toute autre entrave à une libre concurrence réelle. Notre libéralisme économique est donc  celui de la petite entreprise et de la coopérative.


Nous invitons ainsi le lecteur à se référer à notre fameuse loi du 3 juillet 2014 et à son chapitre sur les SCIC qui fait l'objet de notre part d'une publication ultérieure.

lundi 21 juillet 2014

Philippe Derudder à la Croix-Rousse.


La soirée du 10/06/2014 : le bilan.

Al'occasion de la venue de Philippe Derudder venu nous parler des monnaies complémentaires, voici un lien avec son interview, par Marc Chinal...

Vidéo 1.



Vidéo 2. 
https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=eguOLM9-HS8
Une conclusion un peu différente : cette fois ci, on évoque l'idée possible, un jour peut être…d'une société sans monnaie…C'est possible si on suit les idées développées par les économistes de l'abondance.
Voir également le site de Marc Chinal : www.voter-a-m.fr

Philippe Derudder : présentation et bibliographie.
Ph. Derudder, actuellement en retraite, anime des conférences et des séminaires sur l’économie alternative, les monnaies complémentaires, et la reforme du système monétaire, qu'il juge a la fois souhaitable et fortement émancipatrice.
Il anime une association, AISES (Association Internationale pour le Soutien aux Economies Sociétales), dont le but est de promouvoir les recherches et actions favorisant le développement d’économies au service de l’homme et de l’équilibre écologique. (source : Wikipedia).
La renaissance du plein emploi ou la forêt derrière l’arbre, Éditions Trédaniel, 1997.

Consulter également à propos de "une société sans monnaie, le site du même Marc Chinal, lyonnais…

vendredi 18 juillet 2014

Trois vidéos, trois pro revenu d'existence.

A Propos du Revenu inconditionnel d'existence.



Trois vidéos trois pro revenu d'existence.


-Sur le revenu de base : par François Nicolas.



-Sur le revenu inconditionnel d'existence : par Noura Mebtouche à la plate forme NDDL, le 6 juillet dernier. Convergence des Luttes. Un des organisateurs a terminé par "Paix dans le monde". Le rapport est facile à à faire.

Cet ouvrage détaille l'ampleur des mesures économiques, budgétaires et fiscales qui permettraient à l'Etat français d'octroyer à chacun le revenu inconditionnel d'existence de 700 Euros par mois et par individu.



-Sur le revenu inconditionnel encore une fois : Par Baptiste Mylondo. Une Vidéeo de Marc Chinal.
https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=m5sKZA-jK9U
Présentation de Baptiste Mylondo, économiste, il défend le revenu pour tous et la décroissance au sein de plusieurs ouvrages. Il défend en France le revenu inconditionnel d'existence au sein du collectif POURS.
En parallèle de ses études, Mylondo contribue jusqu'en 2004 à plusieurs revues, radios, en tant que pigiste (France Bleu Orléans, Reflets du Loiret, Regards, Re- gards Humanitaires, Actuvu, Nouvelle République du Centre).
En 2004, il cofonde et cogère la Société Coopérative d’Intérêt Collectif Alter-Conso, une coopérative basée à Vaulx-en-Velin offrant un système de distribution de produits agricoles locaux en circuit court .
Il quitte la coopérative en 2008 et se consacre alors plus entièrement à l'enseignement et la recherche. Il enseigne l'économie générale et l'économie sociale et solidaire à l'École supérieure de commerce et développement (3A), ainsi que la philosophie économique à l'École centrale Paris, et l'économie internationale à L'Institut d'études politiques de Lyon. Enfin, il est chercheur associé à l’Observatoire de la mondialisation, des échanges globalisés et de l’altérité (OMEGA) de l’école 3A.
Il contribue également à plusieurs revues, telles que Le Sarkophage et Les Zindigné(e)s.Ses travaux concernent surtout la décroissance  et le revenu universel en France, qu'il défend aujourd'hui avec le Collectif « Pour un Revenu Social » (POURS), formé en mars 2011.
(source : Wikipedia).

  • Baptiste Mylondo, Des caddies et des hommes : Consommation citoyenne contre société de consommation, éd. La Dispute, coll. « Comptoir de la politique »,‎ octobre 2005, 168 p.(ISBN 978-2-84303121-2)
  • Baptiste Mylondo (préf. Paul Ariès), Ne pas perdre sa vie à la gagner : Pour un revenu de citoyenneté, éd. Homnisphères, coll. « Expression directe »,‎ mars 2008, 1e éd., 144 p.(ISBN 978-2-91512929-8)
  • Baptiste Mylondo, Un revenu pour tous ! : Précis d'utopie réaliste, éd. Utopia, coll. « Controverses »,‎ juin 2010, 104 p. (ISBN 978-2-91916001-3lire en ligne)
  • Baptiste Mylondo, Pour un revenu sans conditions : Garantir l’accès aux biens et services essentiels, éd. Utopia, coll. « Controverses »,‎ novembre 2012, 160 p. (ISBN 978-2-91916008-2)

jeudi 17 juillet 2014

Soirée économies solidaires du 10 juillet 2014. Maison de la Croix-Rousse. Lyon.

Soirée économies solidaires du 10 juillet 2014.
Maison de la Croix-Rousse. Lyon.
4 Rue Bodin, 69001 Lyon
04 78 27 29 82






Après des discussions autour des conséquences malsaines du projet TAFTA menées le 10 juin dernier lors de la dernière soirée économies solidaires à la maison de l'écologie de la Croix-Rousse, nous nous sommes consacrés avec les personnes présentes, ce mois-ci, au recyclage.
Les biens et les services recyclés constituent en effet une partie importante de l'économie dite réelle, qui lorsque s'organisent des réseaux de solidarité, peut constituer un important palliatif aux manques qui marquent nos sociétés en partant du local. 
C'est d'ailleurs par là qu'il faut commencer, par recycler une bonne partie de nos déchets ou objets inutilisés afin de limiter le gaspillage des ressources d'une part, de l'activité économique d'autre part.
Ce n'st que par ce biais là que nous arriverons un jour à mettre en place une réelle efficience (1), au sens littéral du terme, au sein de notre économie.
C'est une condition importante de mise sur le circuit d'une économie réelle c'est à dire, tenant compte de l'ensemble des biens et services qui sont à la disposition non pas du consommateurs (2) mais des individus peuplant la société.

Voici la manière dont nous avons présenté le recyclage comme choix et acte économique important :
Il y a nécessité de reformuler nos choix économiques dans une situation où règnent le gaspillage, les production de pollutions, d'entraves à la libre concurrence réelle, à u droit du travail.
Dans ce contexte, la croissance est souvent présentée comme étant une donnée incontournable, signe d'une bonne santé économique. C'est faux. Celle ci avec ses chiffres et ses taux calculée à partir du PIB national (comparaison entre les valeurs ajoutées produites d'une année sur l'autre) ne signifie rien si on la compare à la valeur ajoutée réelle de l'économie réelle (non marchande, non publique), autrement dit à l'intégralité des richesses qui sont à la disposition des individus d'une société.


I. Présentons les autres alternatives au marché. Nous sommes ici dans la sphère de l'économie solidaire :
-Les systèmes d'échange locaux.
Ils permettent d'échanger des biens et des services sans monnaie, simplement grâce à la comptabilisation des crédits et des débits de chaque membre de l'association par des unités de mesure.
-Le troc tout court, entre voisins, entre personnes d'un même groupe social ou se côtoyant via les systèmes de plus en plus grandissant de mixité sociale. Rappelons que cette valeur là est une valeur actuelle, évoquée dans le cadre de la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000 et intégrée au sein des plans d'aménagement et de développement durable mis en place au sein des communes ou des métropoles d'aujourd'hui. Elle oblige à tenir compte de ce paramètre et constitue un "plus" même si sa mise en place n'est pas effective de partout, dans une société où cette valeur devient dominante.
-Les réseaux associatifs (systèmes semi- marchands autres que le service public. Développés par le monde associatif ils permettent d'accéder à des prestations de service moins onéreuses que celles du marché).
-Le recyclé. (papiers, cartons, verres, métaux, bois, collectés grâce à une vigilance croissante dans le tri des déchets par les ménages et les entreprises mais aussi les administrations ou toute autre forme collective de vie en commun). La pratique suit son chemin. Dans dix ans, elle sera la norme de partout.
-Les réseaux internet de troc, de vente à prix réduits d'objets déjà utilisés).
-Le gratuit, le don. On pensera notamment aux Free BOX. (Tout le monde peut mettre en place une Free box de partout, dans tous les quartiers).
-La récupération des invendus en matière alimentaire.
-Les lieux de vie collectifs (squats, lieux d'occupation, ou lieux de vie sous-loués ou loués à des prix très réduits par leurs propriétaire).



II. Les acteurs de l'économie recyclée.
(Dite aussi économie circulaire, une des branches de l'économie solidaire qui est aussi une branche de l'économie réelle).
-Certaines entreprises, groupements ou associations. Grâce au recyclage des déchets . On utilise du vieux pour produire du neuf (cartons, papiers, déchets biodégradables, verre, tissu, ainsi l'abbé Pierre a commencé avec les chiffons d'Emmaüs).
-Les associations spécialisées dans la collecte des objets, biens et exercices marchands ou non marchands destinés à être récupérés.
-Les dépôts ventes ou ventes organisés par des entreprises pour écouler leurs invendus.
-Les vide grenier, les associations de récupération qui mettent en vente à prix très faibles des objets déjà utilisés qui ne sont pas neufs mais ont encore de beaux jours devant eux et les réutilisent pour des actions humanitaires.


III. Les initiatives privées ou collectives en local.

-Le Passeport "Ecocitoyen" à Chambery. Une initiative qui est née dans un quartier à HLM consistant à limiter les déchets imposants en taille en incitant les citoyens à les déplacer à la déchetterie moyennant l'obtention d'un passeport à points permettant d'obtenir des bons.
Un processus qui alimente également la sociabilité  car il permet, comme l'expliquent ses organisateurs, de faire se côtoyer, les habitants qui vont à la déchetterie avec le personnel de la déchetterie et les membres actifs de l'association "Passeport écocitoyen".
Voir l'article sur le lien suivant : 


-Les jardins partagés (leur ancêtre : le jardin ouvrier (parmi les ancêtres de ces jardins partagés que l'on retrouve dans toutes les grandes villes de France par exemple celui de Lyon 7 ème pour n'évoquer que celui-ci, il y a les jardins ouvriers. Ainsi, celui de Saint-Etienne a sauvé la population entière de la faim pendant l'occupation allemande). L'enjeu est importante, il s'agit pour des populations entières de pouvoir se nourrir, de s'organiser elles même leur autosuffisance alimentaire. et si les supermarchés tombaient en panne ?

-La valorisation des surplus des producteurs locaux.

-La collecte d'aliments périmés ou invendus dans les petites épiceries ou boulangeries de quartier, là où cela peut encore se faire. Avec son parangon, le repas solidaire.

-Les "incredibles vegetables". Légumes laissés devant la porte ou poussant librement sur les fenêtres. Initiative venue du Royaume-Uni.



A vos crayons, à vos idées. Merci de nous donner vos idées qui seront publiées sur ce blog. 

Voici déjà quelques idées formulées par les participants à cette soirée économies solidaires :


-Par Gilbert : Recycler, réutiliser chaque objet, chaque détritus. Eveiller à une conscience fine du lien entre notre consommation et la nature qui nous donne tant.
-Par Lucien. Aujourd'hui il y a un décalage entre économie qui se définit comme la création de richesse (sans prendre en compte leur disparition et leur entassement) et l'écologie (les richesses recyclées portaient l'être à l'infini si cela était fait de façon optimale).
La coopération industrielle (échanges de flux (énergies, matières)), jouer de la compatibilité des entreprises responsables entre elles, savoir vivre ensemble…
-Par Lucile. A Lyon, on cherche à développer la culture sauvage des légumes et des fruits sur des massifs publics, afin que tout le monde entretienne et vienne se servir sur ces massifs de légumes et de fruits. 
-Par Christophe. Développer les filières ou sous filières recyclage, le réemploi par l'écocyclerie et les étendre grâce aux réseaux, par exemple le réseau Loire-Atlantique, l'éducation populaire pour initier et s'organiser en fonction des exigences liées au recyclage, le développement de savoirs et savoirs-faire autour du recyclage. La question de Christophe est la suivante : où est la place des créateurs et des auteurs d'innovation dans un tel contexte de réutilisation de l'ancien. On peut très bien imaginer de développer de nouvelles techniques innovatrices liées au recyclage ou encore la multiplication des activités de nature créative dans un contexte où les exigences économiques (travailler pour gagner sa vie, autrement dit se fournir un revenu suffisant pour survivre et consommer est devenu superflu) grâce au développement des réseaux d'économie solidaire ou circulaire dans un contexte de mise en valeur de l'économie réelle, comme valeur sociale remplaçant le Marché. Cette question est intéressante et mérite que l'on s'y attarde.



Par Noura Mebtouche.


(1). Efficience : l'efficience, est un concept économique déjà utilisé. Par Vilferdo Pareto lorsqu'il évoque la possibilité pour notre système économique d'arriver à un optimum (satisfaction de tous les agents) mais aussi Coase, lorsqu'il évoque la nécessité de tenir compte des coûts de transaction (coûts supplémentaires occasionnés par l'échange) dans les coûts de production. Plus l'économie est complexe, plus les intermédiaires sont nombreux, plus les coûts de transaction sont élevés.
Or, les travers de notre système capitaliste l'ont montré.  Une telle organisation économique, si complexe soit-elle, n'est pas le gage d'une société forcément évoluée, elle est génératrice de troubles, d'inégalités souvent préjudiciables à ce fameux "laisser-faire-laisser passer" dont se targuent nos économistes libéraux, qui ont oublié, qu'à l'époque d'Adam Smith, les circuits économiques et financiers étaient encore très simples, le deuxième s'alignant sur le premier malgré l'existence, déjà, du taux d'intérêt. Enfin, la théorie des organisations (Veblen, nous montre, en théorie économique, une hiérarchisation des décisionnaires et des exécutants au sein de la firme, tout comme au sein des institutions aboutit à des dysfonctionnements très profonds car un système non opérationnel s'instaure, de par la mise en place d'un système d'attribution des responsabilités qui n'est pas fondé sur les compétences de chacun mais sur d'autres critères divers et variés (le relationnel, l'appât du gain, le népotisme, ou tout autre forme de privilège liée à autre chose qu'aux qualités réellement requises pour occuper la fonction. Ce n'est pas le plus fort, le plus compétent ou le pus travailleur qui gagne mais celui qui a réussi au sein de l'organisation de type capitalistique avec ses monopoles, ses oligopoles et son système décisionnaire qui ressemble à une démocratie mais qui n'en est pas une , avalisant les privilèges de la sphère économique , celle de l'argent, qui gagne…
 Il en résulte de graves dysfonctionnement  sociaux et donc économiques puisque rappelons le, nous partons du paradigme selon lequel économie politique et environnement écologique sont intimement liés, imbriquées les uns dans les autres, selon notre conception fidèle à Aristote d'abord, puis par d'autres auteurs comme, parmi les plus récents et les plus explicites, Karl Polanyi.  
Nous nous réclamons également du paradigme écologique et d'auteurs comme Murray Bookchin que nous avons déjà évoqué dans les pages de ce blog.
En nous rapprochant par nos efforts, de l'exigence d'optimalité (la sphère économique doit parvenir à la satisfaction de tous et non pas du maximum, mais de tous, sans exception), mais aussi de coûts de transaction moindre (des intermédiaires de moins en moins nombreux), tout en soignant le choix de ceux qui ont à leur charge la gestion de la société civile ou de la firme (on peut transposer le modèle de la firme à celui de la petite entreprise ou l'adapter à la coopérative) sur des critères comme d'abord la vocation et l'intérêt réel ou encore les compétences réelles ou la dose de travail effectif fourni, on doit aborder sérieusement la situation d'efficience qui est le signe d'une société évoluée.
L'efficience est un subtil mélange entre efficacité et rentabilité , secteur public contre secteur privé. Elle désigne la capacité d'une société à organiser sérieusement son économie au plein sens du terme (du grec oikonomia, soit littéralement "gestion de la Maison" que l'on élargit à "gestion de la Cité", soit un quasi synonyme du Politique "Politeia" qui traduit bien notre prise de vue sur deux sphères réencastrées), sans qu'il y ait de rejets, d'externalités négatives, en tenant compte de la satisfaction de tous les individus. Ce n'est rien d'autre que l'économie de l'abondance.
"Pax in Pulchritudine".


(2). Dans notre nouvelle optique , nous n'évoquons plus le consommateur, une notion passée aux oubliettes de la pensée économique mais simplement l'individu avec ses opinions, ses affects, son projet personnel qu'il n'a pas l'obligation de dévoiler, ses identités multiples unes et indivisibles, ses besoins réels, son corps, sa sensibilité, sa liberté de croyance, d'opinion, de choix de vie, ce que d'aucuns nomment son libre arbitre.